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extraits LE MENTAL COSMIQUE de HSIN YUN

(18) Si un homme, sur le point de mourir, est capable de considérer que les cinq agrégats de sa conscience sont vides, que les quatre éléments dont son corps est formé ne constituent pas l'égo, que son vrai mental est sans forme et paisible, que sa vraie Nature n'est pas une chose qui a commencé à sa naissance et qui périra à sa mort, mais que cette vraie Nature est absolument immuable, que son mental et les objets de ses perceptions ne font qu'un, s'il peut s'éveiller à cela, seulement l'éclair d'un instant, et qu'il reste libre, dégagé de l'emprise des Trois Mondes, celui-là en vérité abandonnera ce monde sans aucune tendance à la renaissance. Si encore il contemple la merveilleuse vision de tous les Bouddhas venus l'accueillir, entourés de mille splendeurs, sans éprouver aucun désir d'aller à leur rencontre ; s'il peut supporter la vue de toutes sortes de formes horribles autour de lui, et qu'il ne ressente aucune crainte, mais qu'il reste oublieux de son moi inférieur, fermement un avec l'Absolu, en vérité celui-là parviendra à l'état sans forme. C'est un principe fondamental.

Commentaires :Ce paragraphe contient presque tout l'essentiel de l'enseignement Dhyâna. Il peut être paraphrasé ainsi: à l'exception du Mental cosmique, rien n'a d'existence absolue. Tout ce qui pourrait éventuellement constituer l'égo est vide, car les éléments qui le composent n'ont qu'une existence relative et dépendante. Ils ne peuvent par conséquent former l'égo. Le Mental cosmique, seul aspect absolu d'un individu, n'est affecté ni par la naissance ni par la mort de celui-ci.

Puisque ce mental cosmique est aussi le seul aspect absolu des Bouddhas, les formes magnifiques sous lesquelles ils peuvent apparaître aux yeux humains sont illusoires et tendent à obscurcir la Réalité. Il en est de même des formes horribles. Celui qui réalise cela ne sera ébranlé par aucune apparence, attirante ou terrifiante. Seuls ceux qui demeurent impassibles devant toutes les apparences et qui ont renoncé à l'idée de posséder cette chose individuelle qui a pour nom « l'égo », ceux-là seuls peuvent espérer atteindre l'Illumination el écarter la renaissance.Le ‹ Triple Monde › se rapporte à l'existence passée, présente et future.

(19) Le huitième jour de la dixième lune, le Maître me dit : & Ce que l'on appelle la « Cité des Illusions », inclut les deux Véhicules, les dix stages progressifs d'unBodhisattva, lapleine Illumination, et même la forme la plus élevée d'Illumination qui permet de donner l'éveil spirituel aux autres ; tout cela constitue de puissants enseignements pour susciter l'intérêt des gens, mais appartient malgré tout à la « Cité des Illusions ›. Ce que l'on nomme le « Lieu des choses précieuses » est le mental réel, l'essence originelle de Bouddha, le vrai soi.Ces choses précieuses ne peuvent être ni mesurées ni accumulées. Cependant, puisqu'en réalité il n'y a ni Bouddha ni êtres sensibles, ni sujet ni objet, où donc peut-il y avoir une « cité » ? Si vous demandiez : « voila la Cité des Illusions, mais où est le Lieu des choses précieuses ? » on ne pourrait vous le montrer, car si cela était possible, il serait localisé et ne pourrait donc pas être le réel « Lieu des choses précieuses ›; l'on ne peut rien en dire, si ce n'est qu'il est très proche. Il ne peut être décrit avec exactitude, mais, lorsque sa substance est comprise intuitivement, alors seulement ce lieu existe.Commentaires:« La Cité des Illusions » est une expression empruntée au Sûtra de Lotus, il désigne un nirvana temporaire ou incomplet. il est souvent utilisé pour indiquer le nirvâna tel que le comprend l'école hinaya-niste. Les deux Véhicules sont évidemmentle Mahâyâna et le Hinayana, tandis que les dix stages sont « dásabhûmi ». Ce passage est un exemple de la manière dont la secte Dhyana classe l'enseignement même le plus estimé par les autres sectes, et le regarde comme un ensemble de méthodes utilisées par le Bouddha pour attirer les personnes incapables de saisir directement la Vérité dans sa plénitude. Pour ceux que l'étude du sens de ces termes intéresse, il existe denombreux livres à consulter. Parmi les ouvrages généralement utilisés je citerai :« Mahâyâna Budhism » de Béatrice LaneSuzuki publié en 1938 par la Loge Bouddhique de Londres, et le « Handbook of Chinese Buddhism » de Eitel publié par Lane Crawford et Cie, Hongkong et Shangal, en 1870. Ce dernier est épuisé, cependant on peul se le procurer dans la plupart des bibliothèques orientalistes spécialisées.« Japanese Buddhism », de Sir C. Eliot, donne une description objective, bien qu'elle soit sympathisante, du développement du Mahâyana aux Indes, en Chine et au Japon.C'est un des meilleurs livres de vulgarisation.

(20) On appelle « Icchantikas » les personnes dont la foi n'est pas complète. On appelle « Ic-chantikas ayant coupé leurs bonnes tendances » tous les êtres qui, vivant dans l'un des six royaumes de l'existence - y compris les fidèlesdes écoles Mahâyâna et Hinayâna - , ne croient pas qu'ils sont déjà réellement en possession de la Bouddhéité à l'état virtuel. On appelle « Icchantikas doués de bonnes tendances » lesBodhisattvas qui admettent implicitement la doctrine du Bouddha mais ne reconnaissent pas qu'il y a un grand et un petit Véhicules et n'admettent pas que les Bouddhas et les êtres sensibles possèdent la même Nature.On appelle« auditeurs » les étudiants engagés sur le chemin de l'Illumination par l'audition de la doctrine prêchée. On appelle « Pratyeka Bouddhas » ceux qui perçoivent pour eux-mêmes la loi de la causalité et deviennent ainsi illuminés.On appelle « Bouddhas auditeurs » ceux qui n'ont pas reçu l'Illumination de leur propre mental même en atteignant à l'état de Bouddhéité. La plupart de ceux qui étudient la Voie sont illuminés par le Dharma qu'ils ont appris et non par le Dharma de leur propre mental.Même après des kalpas d'efforts ils ne s'harmoniseront pas avec leur essence de Bouddha ori-ginelle. Tous ceux qui n'atteignent pas l'Illumination par leur propre mental, ou ceux qui l'obtiennent au moyen du Dharma qui leur a été enseigné, n'y parviennent que degré par degré et négligent leur mental réel. Si toutefois ils parviennent à une compréhension intuitive du mental, ils n'auront besoin de chercher aucun Dharma, puisque le mental est le Dharma.CommentairesCe paragraphe, comme le précédent, poursuit la classification des enseignements des autres sectes suivant les vues dhyanistes.« Bodhisattva » signifie clairement et simplement dans ce passage : bouddhiste.Le deuxième paragraphe suggère une forme d'illumination relative qui semble en contradiction avec l'enseignement dhyaniste habituel : l'illumination est complète ou elle n'est pas.

(21) Les perceptions sensorielles empêchent les hommes d'observer leur propre mental, et les phénomènes les empêchent d'observer les principes qui soutiennent précisément ces phénomènes; aussi s'efforcent-ils souvent d'échapper aux perceptions afin de calmer leur mental et rejettent-ils les phénomènes dans l'espoir de se saisir des principes. Ils ne réalisent pas qu'ils obscurcissent ainsi simultanément les perceptions et le mental, les phénomènes et les principes. Si l'on donne au mental la possibilité de se vider, les perceptions se videront d'elles-mêmes, et si l'on arrête l'activité des principes (du mécanisme mental) les objets des sens qui prennent naissance dans le mental cesseront d'eux-mêmes. On ne devrait pas dénaturer l'usage du mental.De nombreuses personnes répugnent à faire le vide dans leur mental de crainte d'être plongées dans cette vacuité, elles ignorent que leur mental réel est dès maintenant vide. L'insensé fuit les objets des sens mais ne fuit pas l'imagination, tandis que le sage fuit l'imagination mais ne fuit pas les objets des sens.Commentaires:« Ils ne réalisent pas qu'ils obscurcissent les perceptions... » Le sens de cette phrase doit être ainsi compris : on déplace un obstacle à l'Illumination (les perceptions)pour le remplacer par un obstacle encore plus important : le mental. La doctrine du Mental cosmique affirme deux aspects de la même Réalité : l'aspect relatif qui s'exprime dans les perceptions sensorielles et dans les objets des sens; et l'aspect absolu qui est le Mental. De ce point de vue, considérer la Réalité comme l'apanage exclusif de l'un des deux aspects au détriment de l'autre est une erreur. En outre, puisque le relatif est sous la dépendance de l'Absolu, il est inutile d'échapper à l'aspect relatif ou de le rejeter tant que l'aspect absolu n'a pas été perçu et compris.En effet, la perception et la compréhension de l'aspect relatif sont le résultat automatique de la pleine compréhension de l'aspect absolu. Si l'on perçoit la « vacuité › de la Réalité (sous son aspect absolu), il s'ensuit que l'aspect relatif sera également vide;mais la vacuité des objets des sens ne peut être perçue et comprise qu'en rapport avec la vacuité de l'Absolu. C'est pourquoi le sage « fuit l'imagination et non pas les objets des sens ».

Ici, l'argumentation vise ceux qui tentent de pratiquer Dhyana sans avoir saisi la méthode correcte, ou sans avoir compris la théorie qui est à la base de cette méthode.Par exemple, il y a des gens qui croient que tous les phénomènes sont des illusions, mais que derrière ces phénomènes se cache une âme cosmique douée d'une existence positive. Cette théorie présente une ressemblance très superficielle avec l'enseignement dhyâniste, et cette ressemblance a d'ailleurs suscité parfois un malentendu en laissant croire qu'elle représentait la croyance réelle de la secte Dhyâna. Ceux qui admettent la théorie d'une âme cosmique (catégorique-ment niée par le Bouddha lui-même) chercheront naturellement à rejeter les phénomènes et en même temps ils refuseront d'accepter la vacuité de l'Absolu.

(22) Le mental du Bodhisattva est semblable au vide car il a renoncé à toute chose; il ne ressent aucun attachement même pour les mérites accumulés par ses actions passées. Le renoncement peut prendre les trois formes qui suiventa) Lorsque l'on a renoncé à toute chose, extérieure ou intérieure, corporelle ou mentale, que le mental, pareil au vide, n'a plus aucun objet d'attachement à abandonner; lorsque tout acte est purement dicté par le lieu et les circonstances, et que l'on ne retient plus les concepts de subjectivité et d'objectivité: voilà la plus haute forme de renoncement.Lorsque, d'une part, l'on suit la Voie en accomplissant des actes vertueux; tandis que, d'autre part, le renoncement se développe, que le mental n'a plus l'espoir d'une récompense c'est la forme intermédiaire du renoncement.Lorsque l'on se livre à toutes sortes de bonnes œuvres en entretenant l'espoir d'une récompense, mais que la connaissance (intellectuelle) de la vacuité a été acquise par l'audition du Dharma, et que suivant cette connaissance l'attachement a cessé : voilà la forme inférieure du renoncement.La première forme de renoncement se compare à une torche enflammée tenue devant soi; sa lumière rend impossible toute erreur de chemin. La deuxième forme de renoncement se compare à une torche enflammée que l'on tient sur le côté; il y a ainsi une partie lumineuse et une partie d'ombre. La troisième est comme une torche enflammée que l'on tiendrait par derrière; elle n'éclaire pas les pièges que l'on pourrait rencontrer sous ses pas.